Le rugby, sport collectif par excellence. L’objectif est un combat d’une équipe contre une autre. En quelque sorte, pour paraphraser Clausewitz, le rugby est l’expression de la guerre en temps de paix par un autre moyen (et de la politique aussi, cf coupe du monde de 1995 en Afrique du Sud ou Mandela fait sortir son pays de l’isolement).
Si au départ, le rugby s’apparentait à la guerre des boutons, avec le professionnalisme, cela n’est plus le cas. Finis les piliers ventripotents des années 70 qui évoluaient dans 10m autour des regroupements. Désormais les joueurs sont préparés et affutés pour livrer un combat contre un adversaire prédéterminé qui dispose de qualités spécifiques. On travaille plus la mêlée (puissance et force) pour affronter les argentins et plus l’endurance pour affronter les fidjiens. Même si cela reste collectif, il y a donc une préparation spécifique pour chaque adversaire. Enfin la médiatisation fait que l’on oriente le jeu et le règles vers plus de spectacle; comme si le 20è siècle ayant été celui des guerres, on souhaitait que le 21è soit celui de la violence contrôlée et non dégénérative (engouement pour les sports violents). Très souvent on considère que les combattants de free fight sont les gladiateurs des temps modernes. Mais les gladiateurs s’affrontaient aussi à plusieurs, il pouvait y avoir certaines formes d’alliances, et la Révolte de Spartacus donna lieu à un affrontement organisé contre la garnison romaine.
Pour ceux qui ont joué, tout le monde sait que le discours d’avant match d’un capitaine et de l’entraîneur est un discours de combat : « on va leur marcher dessus, on leur fait mal sur chaque impact, on ne lâche rien, on fait l’effort de se relever et de se replacer, on ne subit pas… ». Car l’ascendant psychologique, tout comme dans un sport de combat traditionnel, est déterminant. Il existe aussi des retournements : celui qui semble subir peut parfois appliquer une stratégie ou tout simplement inverser la tendance sur un coup (cf la demie-finale de coupe du monde France – All blacks de 1999). Une psychologie du combat se comprend pour une sport pieds poings mais semble plus difficile à intégrer pour un sport collectif. Et pourtant, de manière surprenante, une équipe entière faite d’individualités psychologiques différentes peut lâcher ou se galvaniser également comme le ferait un individu. Il y eut un temps ou les discours d’avant match étaient encore plus guerriers (voire limites « on remonte la première mêlée et on ouvre la boite à gifles pour leur faire comprendre qui nous sommes »), où l’on se mettait des claques pour se stimuler (tiens, cela ressemble à certains combats de boxe) et faire grimper son agressivité…
En rugby le combat est permanent. Arracher un ballon, déblayer, protéger, pénétrer une défense, plaquer. Pourquoi est-ce donc une action de combat ? Car en fait il s’agit de faire tout cela avec agressivité, et de défendre en avançant sur ses placages (généralement décrit sous le terme « tampon »). Comme dans un sport de combat traditionnel, il est plus facile de frapper en avançant qu’en reculant (encore que certains se sentent beaucoup mieux et soient plus efficaces dans une posture défensive/contre). Idem en rugby. Plaquer de manière active permet de créer un impact qui permettra peut être au joueur plaqué de lâcher le ballon, voire, dans le meilleur des cas, d’éliminer, en le blessant ou en l’amenuisant, un joueur et de forcer un remplacement qui peut perturber la bonne harmonie de l’équipe. Il existe donc une stratégie. Le placage pourrait par analogie être comparé au punch d’un combattant.